recherche Joule désespérément

plomb, balles et balistique de nos armes...

recherche Joule désespérément

Messagepar polemon » 05 Jan 2014 22:52

Bonjour à tous et bonne année,

Un petit post fleuve pour vous mettre en jambe après le réveillon. Je voulais connaître la puissance développée par les armes de poing PN et pour ce faire j'ai réalisé quelques tests au Chrony. J'ai fait varier certains paramètres pour voir s'ils avaient une incidence. J'ai fait quelques conclusions qui ne sont que des suppositions et que je vous laisse commenter.

Les armes utilisées étaient :

Pietta 1863 Pocket canon 3'1/2 calibre 31
Pietta 1860 Sheriff Snubnose canon 3' calibre 45
Pietta 1858 Buffalo canon 12' calibre 45
Uberti 1847 Walker canon 9' calibre 45
Hawken percussion canon 8' calibre 54

Sauf mention spéciale, la poudre utilisée était de la Suisse n°1. Les mesures sont précises à 5 centièmes de gramme près.
Le chronographe était un Chrony M1. En fait, deux Chrony M1. En effet, selon la 3ème loi de Murphy, c'est bien sûr quand j'étais à charge maximale que l'infortuné s'est pris un boulet de 54 lancé à 400 m/s. Ooops!
Les balles utilisées étaient toutes de chez Hornady : 315, 451, 454, 457 et 535.
J'ai indiqué le poids des projectiles ainsi que les vitesses constatées dont j'ai tiré une moyenne. L'énergie cinétique a été calculée selon la formule :
E = 1/2 (M x V²) où E est l'énergie exprimée en joules, M la masse en kilos et V la vitesse en mètres par seconde.

Le facteur correspond à l'augmentation de la puissance par rapport à la première donnée exprimée. La première donnée de puissance correspond au chiffre le plus faible. Elle est égale à 1. Si une variation de réglage conduit à un facteur de 1,5, cela veut dire qu'en modifiant ce réglage (charge, ogive, poudre...) on a gagné 50% de puissance en plus.
Si certains résultats étaient attendus, d'autres se sont avérés surprenants.

La première variable était bien sûr la quantité de poudre.

TEST 1 : VARIATION SELON LA CHARGE

1 - Walker, balle de 457, poids 9,35g :

avec 1 g de poudre : V = 193 m/s ; E = 174 J ; facteur 1
avec 2 g de poudre : V = 346 m/s ; E = 559 J ; facteur x 3
avec 3 g de poudre : V = 385 m/s ; E = 693 J ; facteur x 4

Pour info, voici les énergies annoncées des munitions modernes du même ordre de grandeur :

22 std : 140 J
22 HV : entre 170 et 250 J
38 SP : 350 J
9 mm et 45 ACP : 500 J
357 magnum : entre 700 et 800 J

Ma conclusion : en revolver, une charge d'1 g produit une énergie relativement faible, de l'ordre du 22 LR.
En revanche, le fait de doubler la charge multiplie l'énergie par 3.
Augmenter encore la charge permet de gagner un peu en puissance mais pas dans la même proportion. Il semble qu'on s'approche d'une courbe logarythmique. On développe quand même des énergies qui n'ont rien à envier aux armes de poing modernes. Le meilleur rendement semble se situer aux alentours de 2 g. Ce n'est sans doute pas un hasard si cela correspond au chargement maxi de la plupart des revolvers PN.
Pourquoi 1 g semble anémique par rapport à 2 g? Je ne sais pas. Peut-être la combustion est-elle déjà terminée alors que la balle n'est pas encore sortie, d'où une décélération.

Je voulais voir si cette courbe logarythmique se confirmait avec de plus fortes charges. Etant limité en revolver, il m'a fallu passer au pistolet :

2 - Hawken, balle de 535, poids 14,95 g, calepin de 0,018 :

avec 1 g de poudre : V = 194 m/s ; E = 281 J ; facteur 1
avec 2 g de poudre : V = 292 m/s ; E = 637 J ; facteur x 2,25
avec 3 g de poudre : V = 336 m/s ; E = 843 J ; facteur x 3
avec 4 g de poudre : V = 365 m/s ; E = 995 J ; facteur x 3,5
avec 5 g de poudre : V = 389 m/s ; E = 1131 J ; facteur x 4

Ma conclusion : on retrouve clairement le même type de courbe. C'est plus parlant ici car on dispose de plus de valeurs. Une montée rapide puis un tassement, mais pas encore de plafond. Peut-être atteindrait-on ce plafond si on augmentait encore la charge. Mais je n'ai pas voulu tirer le diable par la queue. A 5 g, j'étais déjà sensiblement au dessus du maximum préconisé par le constructeur. En revanche, les énergies développées à charge égale sont nettement supérieures au revolver. A 2 grammes, on a presque l'énergie du Walker avec 3 grammes. A 5 grammes, j'ai eu une pointe à plus de 400 m/s , soit 1200 joules! J'ai été très surpris de ces chiffres élevés et je ne m'explique pas pourquoi ils diffèrent du revolver. Le couple masse/vitesse devrait être le même puisque c'est la charge qui fait la poussée. Peut-être est-ce dû au calepin qui bloque la balle plus longtemps et fait augmenter la pression. Un collègue tireur de Combs m'a donné une explication que je trouve pertinente : sur le revolver, il y a une perte de pression par l'entrefer. On le voit bien quand on met de la graisse sur les balles pour éviter les départ en chaîne. A chaque tir, une bonne partie est soufflée. Une partie de la poussée est donc perdue.

Maintenant qu'en est-il des très faibles charges ?

3 - Pocket, balle de 315, poids 3,1 g :

avec 0,3 g de poudre : V = 143 m/s ; E = 32 J ; facteur 1
avec 0,6 g de poudre : V = 194 m/s ; E = 58 J ; facteur 1,8

Ma conclusion : la progressivité de l'énergie développée est semblable à celle de la charge. On est dans le bas de la courbe. Plus que logarythmique d'ailleurs, il conviendrait de parler de courbe en S. Le maximum qu'on arrive à produire avec un calibre 31 est de l'ordre du 22 Long Z pour comparer avec les munitions modernes. On voit mal par conséquent comment une dame à chapeau dans une diligence pouvait arrêter avec ça un malabar venu la détrousser.

Un autre facteur qui m'a semblé pouvoir avoir une incidence sur la vitesse d'éjection est le diamètre de la balle. A calibre égal, une balle légèrement plus large doit théoriquement maintenir la pression plus longtemps. Mais est-ce vrai? Pour ce faire, j'ai choisi le Walker Uberti et le Buffalo Pietta. Le Walker est prévu pour du 457 et le Pietta pour du 451. On peut donc faire à la fois une montée en calibre et une descente.


TEST 2 : VARIATION SELON LE DIAMETRE

1 - Walker avec 1 g de poudre :

en 451 (9 g) : V = 184 m/s ; E = 152 J ; facteur 1
en 454 (9,15 g) : V = 193 m/s ; E = 170 J ; facteur x 1,12
en 457 (9,35 g) : V = 193 m/s ; E = 174 J ; facteur x 1,15

2 - Walker avec 2 g de poudre :

en 451 (9 g) : V = 328 m/s ; E = 484 J ; facteur 1
en 454 (9,15 g) : V = 330 m/s ; E = 498 J ; facteur x 1,03
en 457 (9,35 g) : V = 346 m/s ; E = 559 J ; facteur x 1,15

3 - Buffalo avec 1 g de poudre :

en 451 (9 g) : V = 205 m/s ; E = 189 J ; facteur 1
en 454 (9,15 g) : V = 225 m/s ; E = 232 J ; facteur x 1,25
en 457 (9,35 g) : V = 248 m/s ; E = 287 J ; facteur x 1,5

Ma conclusion : on constate effectivement sur les 2 revolvers une montée de l'énergie cinétique au fur et à mesure qu'on monte en calibre. Proche de la marge d'erreur avec le Walker, elle est plus apparente sur le Buffalo. Ce qui nous amène à la question de la longueur du canon. Un canon plus long doit logiquement faire profiter à l'ogive de plus de poussée. C'est l'objet du test suivant.
Mais auparavant, qu'en est-il du pistolet? Un calepin plus épais fait peut-être office de balle plus épaisse, le poids en moins. J'ai donc fait varier l'épaisseur du calepin ainsi que son lubrifiant avec le Hawken.

4 - Hawken avec 1 g de poudre, balle de 535, poids 14,95 g :

1ère séquence avec des calepins non graissés, humidifiés simplement avec du liquide lave glace.
avec un calepin de 0,010 : V = 181 m/s ; E = 236 J ; facteur 1
avec un calepin de 0,015 : V = 148 m/s ; E = 160 J ; facteur x 0,67
avec un calepin de 0,018 : V = 194 m/s ; E = 281 J ; facteur x 1,2
avec un calepin de 0,020 : V = 207 m/s ; E = 312 J ; facteur x 1,3

Conclusion : mis à part les résultats bizarres du calepin 0,015, il semble bien qu'épaissir le calepin retient la balle plus longtemps, donc apporte plus de poussée. En utilisant un autre lubrifiant, on va essayer de faire glisser davantage la balle.

2ème séquence identique avec des calepins abondamment graissés au WD 40. Ici, le facteur compare chaque calepin avec son homologue de la série précédente.
avec un calepin de 0,010 : V = 180 m/s ; E = 236 J ; facteur 1
avec un calepin de 0,015 : V = 181 m/s ; E = 236 J ; facteur x 1,5
avec un calepin de 0,018 : V = 178 m/s ; E = 232 J ; facteur x 0,8
avec un calepin de 0,020 : V = 197 m/s ; E = 283 J ; facteur x 0,9

Conclusion : mis à part toujours le calepin 0,015 qui donne des résultats aberrants, on voit une très légère perte de puissance. Je suppose que cela est dû au WD40 qui graisse mieux le canon et fait partir la balle plus tôt. Ce n'est malgré tout pas très spectaculaire.
Petite parenthèse : je ne vous ai pas mis les chiffres de chaque tir pour que ne soit pas pénible à lire. L'indice V correspond à la moyenne de 5 ou 6 tirs. Mais j'ai constaté des écarts de vitesse importants d'un tir à l'autre, pouvant atteindre 30 à 50% parfois. Pourtant les charges ont été faites à la balance électronique, c'est toujours de la Suisse n°1 et j'ai introduit la poudre avec un petit entonoir (mais il ne va pas au fond). En revolver, les écarts n'excèdent pas 10%. Je ne me l'explique pas. Peut-être un peu de poudre colle-t-elle au canon et n'est donc pas exploitée. Sur une charge de 1 g, quelques grains de perdus, c'est déjà beaucoup. Quoi qu'il en soit, des écarts de vitesse aussi énormes doivent forcément avoir un impact sur la précision. S'il y a des tireurs au pistolet qui me lisent, ils doivent l'avoir remarqué.


TEST 3 : VARIATION SELON LA LONGUEUR DU CANON

Le calibre est toujours 451 (9 g).

1 - avec 1 g de poudre :

Snubnose (canon de 3 pouces) : V = 172 m/s ; E = 133 J ; facteur 1
Walker (canon de 9 pouces) : V = 184 m/s ; E = 152 J ; facteur x 1,15
Buffalo (canon de 12 pouces) : V = 205 m/s ; E = 189 J ; facteur x 1,4

2 - avec 2 g de poudre :

Snubnose (canon de 3 pouces) : V = 248 m/s ; E = 276 J ; facteur 1
Walker (canon de 9 pouces) : V = 328 m/s ; E = 484 J ; facteur x 1,75
Buffalo (canon de 12 pouces) : V = 343 m/s ; E = 529 J ; facteur x 1,9

Ma conclusion : y a pas photo. Comme attendu, un canon plus long fait bénéficier à l'ogive d'une poussée plus longue, donc plus de vélocité. Là où sur le Snubnose la poudre brûle pour rien, dans le Buffalo la balle profite des 12 pouces de canon. Ce n'est pas un hasard si l'écart est de plus en plus grand à mesure que l'on monte en charge. A 2 grammes on passe presque du simple au double.

Le dernier point qui pouvait jouer était à mon avis la qualité de la poudre. Tous les tests précédents ont été faits avec de la Suisse n°1. J'ai voulu savoir si le fait de changer de poudre entrainait des changements notables. J'ai choisi de faire un test avec un petit calibre/petite charge et un autre avec un gros calibre/grosse charge. Les poudres d'armes de poing sont essentiellement la Suisse n°1, la PNF2 et la PNF4P. La Suisse est dite 10% + vive que la PNF2 et la PNF4 25% + vive que la PNF2. Logiquement, cela devrait se traduire par des accélérations significatives des ogives.
Place aux chiffres .


TEST 4 : VARIATION SELON LA POUDRE

1 - Buffalo, cal 451 (9 g) avec 2 g de poudre :

en PNF2 : V = 296 m/s ; E = 394 J ; facteur 1
en PNF4 : V = 308 m/s ; E = 427 J ; facteur x 1,1
en Suisse n°1 : V = 343 m/s ; E = 529 J ; facteur x 1,35

2 - Pocket, cal 315 (3,1 g) avec 0,3 g de poudre :

en PNF2 : V = 93 m/s ; E = 13 J ; facteur 1
en PNF4 : V = 119 m/s ; E = 22 J ; facteur 1,7
en Suisse n°1 : V = 143 m/s ; E = 32 J ; facteur 2,5

Mon interprétation : première surprise, sur le Buffalo, à boulet et charge égaux, on peut avoir 130 joules de différence. Différence encore plus parlante sur le calibre 31. Il faut toutefois relativiser un peu les résultats du Pocket. C'est une arme de piètre facture, les chambres sont inégales, il peut y avoir des variations d'ordre mécanique. Deuxième surprise, ce n'est pas la PNF4 qui est la plus puissante, mais la Suisse, et dans des proportions notables. Pourtant le grain de la PNF4 est plus fin, ça se voit à l'oeil nu. Logiquement, cela devrait accélérer les échanges chimiques au moment de la combustion. Je ne trouve pas l'explication. Peut-être les composants sont-ils plus purs dans la suisse que dans la française et cela a plus d'importance que la finesse du grain? Cela voudrait dire qu'il y a des imbrûlés ou que les composants ont une capacité de conversion en gaz moins performante. Ce qui est sûr, c'est que la Suisse est la plus régulière de toutes. J'ai fait 6 à 7 tirs par poudre sur cette série et la Suisse donne des variations maxi de 30 m/s là où les françaises ont des amplitudes de 60 m/s.

Conclusion : le but de ces mesures était de mettre une réalité chiffrée sur la question de la puissance des armes de poing PN. On entend en effet sur les pas de tir beaucoup d'assertions qui ne sont pas vérifiées. Ce test n'est pas la vérité incarnée car il aurait fallu faire des moyennes sur un plus grand nombre de tirs, faire varier d'autres paramètres, etc... Il aurait été bien aussi de mesurer un cal 36 mais je n'en possède pas. Pareil pour les armes longues. Si quelqu'un dispose de données, il peut compléter. Ca donne néanmoins un bon ordre d'idée je crois. A noter enfin que la puissance n'a que peu d'incidence sur la précision. Mais les tireurs d'antan se souciaient peu de précision et beaucoup de pouvoir d'arrêt. L'inverse du tireur de loisir, en somme.
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar Lone Rider » 06 Jan 2014 09:02

Voilà des essais très intéressants ! Bravo !!!
Certaines conclusions sont finalement logiques : la longueur de canon qui permet d'obtenir plus de poussée, par ex.
Par contre, on découvre l'importance du diamètre de balle, dans le Walker par ex.
Pour cette dernière arme, je peux ajouter une donnée relevée avec mon Walker Uberti, identique à celui du test :
balle de .454, 55 gn (3,56 g) de S2, V = 396 m/s, E = 711 j

Je mets en Post-it.
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar polemon » 06 Jan 2014 15:07

Comme dit dans mon post, je n'ai pu tester le calibre 36, n'en possédant pas. Je comblerai ce vide le jour où j'en acquérerai un. En attendant, j'ai trouvé sur un autre forum un post de quelqu'un qui a trouvé quelques données sur le 36. Ce sont des infos livresques, donc à prendre avec prudence, mais ça donne une idée.

Le lien : http://www.tirmaillyforum.com/mildot/pr ... 5d1344ccdc

Les données :

Revolver calibre .36" (arme d'essai réplique de Colt 1851 Navy):

- Balle ronde de 79 grains (5,1 g), diamètre .375":
charge maximale de 22 grains (1,4 g)
vitesse: 316 m/s
énergie: 255 joules Poudre pnf2 Vectan pression maxi 500 bars
quantité de mouvement de 1,6 kg.m/s
pénétration totale dans la gélatine 46 cm
diamètre après impact 9,4 mm

- Balle ogivale de 125 grains (8,1 g), diamètre .375":
charge max 18 grains (1,1 g)
vitesse: 212 m/s
énergie: 182 joules
quantité de mouvement 1,7 kg.m/s
pénétration totale 53 cm
diamètre final 9,4 mm
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar Lone Rider » 29 Mai 2014 07:18

J'ai fait la connaissance d'un "vieux" collectionneur d'armes anciennes et de munitions. En plus de la collection, il est passionné par l'histoire détaillée de ses pièces et pousse ses recherches en balistique et autres jusqu'à aller dans les archives des musées, etc. Il est absolument passionnant à écouter et j'ai l'impression de n'être qu'un petit bricoleur à côté d'un maitre-artisan.
Nous discutions ensemble de la puissance d'une même cartouche 44-40 tirée dans un revolver SAA à canon de 5 1/2' et dans une carabine Winch à canon de 20'.
Je vous livre sa réponse où il évoque l'histoire de la PN et des composants d'une munition :

Votre dernier commentaire à propos des différences de V0 (et donc des E0) liées à la longueur des canons est exacte pour vos essais personnels.
Pour les munitions anciennes, c’est une autre histoire.
Concernant le tir au revolver, hormis la perte de pression due à l’espace barillet-canon et la longueur du canon, éléments défavorables aux performances, les tables anciennes ne font pas état d’une telle différence (près de la moitié) avec l’emploi dans une « carbine » ou un « rifle ».
Les raisons sont multiples.
Du point de vue balistique interne, les munitions du XIXème siècle n’ont que très peu de rapports avec celles d’aujourd’hui. Il s’agit de détails parfois mineurs mais dont l’addition influence le résultat final de manière importante.

Les douilles ou étuis :
a) la ductilité du laiton était différente. Les variations Cu/Zn/Sn allaient de 65/33/2 à 70/30, voire 90/10 (rare). Leur expansion (fire forming) avait dès lors une incidence différente sur l’expansion des gaz de combustion et donc sur la pression.

b) la forme « balloon head » ou « solid head » avait aussi une influence non négligeable. Certains auteurs ont attribué aux « balloon head » une rétro combustion bénéfique car différant légèrement la combustion et augmentant ainsi faiblement la pression, but notamment recherché par Hebler, Rubin, Libbrecht, etc. avant de passer à la PN comprimée et ensuite à la nitrocellulose, dite ultérieurement pyroxylée (changement de composition chimique).

c) l’amorce : la composition actuelle n’a plus rien à voir avec le fulminate de mercure (procédé Howard) ou le chlorate de potasse d’antan. La vitesse d’allumage est donc très dissemblable.

d) La PN utilisée au XIXème siècle : outre les proportions dans la composition de base (charbon de bois, soufre, salpêtre), les densités (gravimétrique, réelle et absolue), la granulométrie et le type (anguleux ou rond, rugueux ou lisse) sont des éléments variables mais essentiels dans la combustion et totalement différents des poudres actuelles.
La combustion des PN anciennes était beaucoup plus rapide et, de ce fait, parfois moins régulière et moins progressive. Certains armuriers US comme J. Stevens, Maynard, etc. ont tenté de ralentir cette combustion par l'allongement de la douille. Ils ont ainsi obtenu des pressions plus progressives et une précision nettement accrue. En général, les munitions Sharps, par leurs douilles plus longues que les Winchester (tributaires des mécanismes, sauf les Express) pour des poids de projectiles et de charges analogues, étaient plus précises pour la même raison.

Note : En fin des années 1870 et début des années 1880, des essais ont été effectués en Europe, en Russie et aux USA pour ralentir cette combustion par l’emploi de la poudre dite « rousse » (le charbon roux provient de la carbonisation incomplète du bois), plus inflammable mais plus lente, plus régulière et procurant une pression progressive plus importante. Autre qualité, elle produisait nettement moins de fumée.
Ces recherches ont été suspendues au profit des différentes nitrocelluloses développées à la même période.

Dès lors, les PN anciennes étaient totalement brûlées et avaient développé leur pression maximale à la sortie d’un canon de revolver.
Les PN actuelles, telles que fabriquées en Suisse, tentent de pallier les inconvénients des PN anciennes en ralentissant la combustion pour développer une pression maximale admissible. Ce ralentissement a pour effet un risque de combustion incomplète provoquant une perte de pression rapide à la sortie d’un canon court. Qualité indéniable : elles provoquent moins de fumée.
C’est exactement le phénomène que vous décrivez.

Essais personnels.
Il y a bien longtemps, j’ai fait quelques expériences avec un S & W Target cal. .44 Russian en chargeant des douilles UMC anciennes (recuites après chaque tir, mais non recalibrées) au moyen de différentes PN anciennes (CRB ca.1930, Mullérite, Wetteren n° ?, une française moderne (je ne me rappelle plus du nom) et, à titre de comparaison, de la pyroxylée Norma n° ? pour le .44 Spl (charge faible développant la même pression théorique + bourre). Seule la CRB était totalement brûlée et a donné de bons résultats. J’ai retrouvé des grains intacts d’autres poudres entre le canon et le barillet, grippant parfois sa rotation (principalement la Norma) ! Quant aux résultats… catastrophiques du point de vue précision.

Vos conclusions sont donc parfaitement exactes pour les chargements actuels mais ne peuvent totalement s’appliquer aux munitions anciennes.


PS :
La différence entre Solid Head à gauche et Balloon Head à droite :
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar polemon » 29 Mai 2014 16:49

Bigrement intéressant en effet. J'ai beaucoup de respect pour ces érudits, souvent anonymes, qui par passion connaissent un sujet mieux qu'un prof d'université. Malheureusement, comme ils n'écrivent pas toujours des livres, il faut avoir eu la chance de les côtoyer. Et lorsqu'ils tirent leur révérence, c'est tout un savoir qui part avec eux, en général pour toujours. D'où l'importance des forums comme celui-ci qui permettent de donner une deuxième vie à cette culture normalement destinée à s'éteindre.
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar Lone Rider » 30 Mai 2014 06:36

C'est exactement ça.
Ce Monsieur m'a promis de collecter des données sur la balistique des munitions dans son immense documentation.
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar Lone Rider » 30 Mai 2014 07:56

Puisqu'on parle puissance, une photo de cartouches de.... 2 mm !
Celle à côté est une simple petite 22LR. Imaginez la taille. J'aurais dû mettre une allumette pour avoir une autre comparaison.
Ces munitions sont si petites qu'elles sont difficiles à manipuler avec les doigts.
Parait que c'était pour les dames qui avaient intérêt à viser l'oeil.
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar polemon » 31 Mai 2014 11:03

J'ai toujours trouvé fascinant l'histoire de la technique. On ne retient que les grandes découvertes, les trucs qui ont marché et ont laissé une empreinte. Mais pour une trouvaille qui a traversé le temps, que de recherches tous azimuts, tentatives, repentirs, parfois iconoclastes. J'ai l'impression que la fin XIXème début XXème était une époque riche en tentatives de toutes sortes, ceci étant peut-être dû au fait que le nombre de tireurs sportifs était bien plus important qu'aujourd'hui. Je crois qu'il y avait quelque 5 millions de tireurs référencés en France dans les années 1900. Rapporté à la population de l'époque, c'est colossal. Mais il y a eu plein de recherches ubuesques dès l'origine de l'étude des armes à feu. Le musée de la Guerre des Invalides regorge de modèles plus étranges les uns que les autres. Je me souviens notamment de pistolets et de mousquets à rouet multicoups assez hallucinants. Et puis l'Histoire passe l'aspirateur. Certaines inventions tirent leur révérence. Parfois pour des raisons évidentes comme cette balle liliputienne. Parfois pour de bêtes changements de règlementation. Le pistolet de défense Minima en 22 court de fabrication française par exemple, dont le système de chien rotatif était d'une complexité savante, a perdu toute chance de conquérir un marché dès que la règlementation des armes courtes en 22 a changé. Parfois ce sont de simples différences d'habileté commerciale. J'ai toujours été surpris par exemple que la carcasse fermée n'ait pas rapidement remplacé la carcasse ouverte. On dit que c'est dû à l'intelligence commerciale de Samuel Colt. Donc certains progrès sont inévitables. Le silex devait disparaître au profit de la percussion. Le canon rayé ne pouvait que remplacer le canon lisse. Pour d'autres, on se dit que l'Histoire aurait pu être différente.
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar batentfranck » 07 Juil 2014 12:00

sujet intéressant.
L'énergie cinétique privilégie la vitesse à la masse.
On pourrait donc refaire ces calculs en se basant sur ce qui est utilisé par les pratiquants de la sihouette métallique : la quantité de mouvement (p=mv)
Un poulet de sihouette métallique gros calibre n'est pas renversé à 25 mètres par un Remington chargé à 1 g, ni par une 22. Il tombe si on charge à 1,5 g de poudre noire.
post qui peut valoir le coup de s'inscrire
http://tir.loisir.xooit.fr/t235-le-post ... retour.htm
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Messagepar polemon » 07 Juil 2014 18:36

Pour te répondre, voici les chiffres principaux de la quantité de mouvement (test par rapport à la charge). Je n'ai pas recalculé les autres car ça me prenait la tête.

Walker
1 g : 1,80
2 g : 3,24
3 g : 3,60

On voit bien ci dessus la courbe en S avec élévation brutale puis tassement sur les fortes charges.

Hawken
1 g : 2,90
2 g : 4,37
3 g : 5,02
4 g : 5,46
5 g : 5,82

On retrouve le même phénomène. On constate aussi que la puissance est nettement supérieure au Walker. Ce n'est pas dû aux longueurs de canon qui sont identiques mais sans doute à la balle de 535 qui force beaucoup avec son calepin, d'où une retenue vraisemblable de pression.

Pocket

0,3 g : 0,44
0,6 g : 0,60

La quantité de mouvement laisse la même impression que l'énergie cinétique, à savoir que la puissance est anémique. Pour comparer, voici la QM moyenne des principaux calibres modernes :

22 LR std : 0,65 (en revolver)
38 SP : 2,2
9 para : 2,8
45 ACP : 3,3
357 mag : 3,5
44 mag : 7 (chiffre médian, ce calibre a une grande latitude).

En conclusion, les armes à poudre noire, hormis quelques produits exotiques, n'ont rien à envier aux armes PSF en terme de puissance d'arrêt.
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar Withworth » 07 Juil 2014 19:17

En conclusion, les armes à poudre noire, hormis quelques produits exotiques, n'ont rien à envier aux armes PSF en terme de puissance d'arrêt.


Sauf que le "pouvoir d'arrêt" ne limite pas à la seule mesure de la quantité de mouvement. Je pense même qu'à performance balistique et à masse égale une balle ronde de 44 transmet plus rapidement son énergie qu'une demi blindée en 38sp ancien modéle.
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar polemon » 07 Juil 2014 20:20

En effet. La QM ne donne qu'une base de calcul du pouvoir d'arrêt, lequel est multifactoriel et ne peut être modélisé par une simple formule mathématique. Entrent en ligne de compte notamment :
Le calibre, qui va augmenter le canal de blessure. Avec les gros calibres utilisés en PN, on est plutôt bien servi.
La malléabilité du projectile. Les munitions modernes accumulent les noyaux et couches diverses afin d'arrêter la balle le plus vite possible quand elle est encore dans les 15-20 premiers centimètres de la cible, ceci afin de rendre la totalité de l'énergie cinétique disponible. C'est ce qui va créer l'onde de choc responsable de la cavité temporaire puis définitive. Je ne saurais dire si une balle ronde est plus ou moins efficace qu'une balle minié, mais ce qui est sûr, c'est qu'une balle en plomb pur aura une grande capacité à se déformer en s'aplatissant, et de ce fait décélèrera brutalement, là où une balle blindée rapide va traverser et perdre son énergie hors cible. Moi qui fait beaucoup d'AC, j'ai été surpris de voir des plombs diabolo tirés à 3 joules s'écraser comme une crêpe sur une plaque de métal. A vue de nez, la surface de contact avait été multipliée facilement par 4 ou 5.
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar Withworth » 07 Juil 2014 22:12

Image
Balle de 445 calepinée, vitesse estimée à 600m/s. la cavitation est très proche de celle d'une 223, avec une dissipation d'énergie explosive.

Image
Coupe longitudinale d'une cavité faite par l'impact d'une minié de 560gr à environ 300m/s. La cavitation est assez proche de celle obtenue avec une balle blindée type 308 . La THV (en bas à droite de la photo) d'un peu plus de 9mm donne l'échelle.
Image
la minié fait plus que doubler son diamètre
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar polemon » 07 Juil 2014 23:00

Effectivement la cavité est hallucinante comparée à l'orifice d'entrée.
6oo m/s, tu es sûr du chiffre? Ca me semble considérable pour de la PN. A cette vitesse, le plomb doit commencer à se déformer en vol de façon notable, non?
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Re: recherche Joule désespérément

Messagepar Lone Rider » 08 Juil 2014 07:37

Dans mon DP Pennsylvania à silex en .45 calepiné, j'ai mesuré 660 m/s avec 90 gn de S2.
Dans mon Uberti Hawken Santa Fe en .54 calepiné, j'ai mesuré 575 m/s avec 110 gn de S2.
Difficile de voir s'il y avait une déformation du projectile ?!?
Faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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