Tous ces retours très négatifs m'avaient fait longuement hésiter à acheter ce type de fusil, mais mon intérêt pour l'arme a finalement eu le dessus.
Mon but n'est pas de faire des généralités mais de faire un retour de *mon* expérience personnelle. Je ne doute pas que ça sera utile à des débutants qui se sont posés comme moi la question : Sharps ou pas Sharps ?

En préambule, il faut peut-être que je précise de quoi je parle exactement.
Mon Sharps est un modèle de Pedersoli dit 1859 Infantry en calibre .54 (celui-là). Je l'ai équipé d'un stecher, pour en faire un modèle conforme à celui des Berdan sharpshooters, et parce que... si on peut en avoir un, pourquoi s'en priver ?

J'ai cru comprendre que Pedersoli avait modifié à plusieurs reprises le système de l'étanchéité du bloc tombant (?) : le mien est équipé de la fameuse chambre mobile dans sa culasse, tandis que le bloc tombant possède lui une petite rondelle en caoutchouc entre la plaque mobile et le corps du bloc tombant (comme sur cette photo).
J'ai réalisé 3 lots de 6 cartouches, avec pour chaque lot une charge différente : 40 grains, 45 grains et 50 grains de PN Suisse n°2. J'utilise l'ogive Pedersoli "traditionnelle" avec ringtail de 535 grains (même si ma balance me dit beaucoup moins, mais je pense qu'elle est déréglée...). Le corps de la cartouche est en papier kraft, le cul de la cartouche en papier de soie, et la longueur totale de la cartouche est calculée pour que la cartouche arrive pile au ras de la culasse quand elle est enfoncée. Le bloc tombant n'arrache donc pas l'arrière de la cartouche en répandant de la poudre partout (c'est un détail qui peut être important pour la suite).
Chaque cartouche prend environ 10 minutes au total pour être faite : c'est un peu chronophage mais pas le bout du monde non plus. Je pense que j'ai encore de la marge pour accélérer la cadence.
Tout cela étant dit...
Je ne vous poste pas des photos de la cible elle-même, qui était un incroyable bordel : ne m'attendant pas à mettre un seul tir dans le noir (oui, je suis un grand optimiste...

Voici ce que j'ai obtenu, tout à 50 m sur support :



De gauche à droite : tirs à 40 grains, 45 grains, et 50 grains. La prise de visée a été faite sur le 6 à 6 heures, à la frontière du visuel.
C'est ce qu'un tireur honnête (pas un compétiteur), pas encore habitué à l'arme qu'il a entre les mains, et avec une cartouche qu'il fabrique pour la première fois, peut obtenir sans trop de difficulté. Il y a moyen d'améliorer ça largement... mais pour un 1er test, je suis très satisfait.
J'ai été étonné par l'encrassement finalement assez faible : j'ai pu tirer les 18 cartouches sans aucun problème. Le bloc tombant commençait à résister vaguement vers la fin, mais je pense que j'aurais pu tirer sans aucun souci encore quelques cartouches. Je m'attendais vraiment à quelque chose d'infiniment pire, certains témoignages parlant de fusil bloqué au bout de 5 ou 6 cartouches.
Est-ce que ça fume ? Oui ! Mais rien de gênant, surtout quand on compare à tout ce qui sort au canon : les légères fuites au niveau de la culasse ne sont honnêtement pas perceptibles pour le tireur sur support. Je n'ai pas encore testé à bras franc, vous me direz.
En revanche, j'ai eu dans un premier temps (pour les 12 premières cartouches) pas mal de faux départs, environ 1/3 ou 1/4 des cartouches ne voulaient pas partir. Éclater une nouvelle amorce ou percer le culot des cartouches récalcitrantes ne résolvant pas toujours la situation, j'ai utilisé des amorces 1275 à 6 ailettes (j'utilise normalement des 1081 à 4 ailettes), ce qui a systématiquement mis fin au problème. Boum !
Pour les 6 dernières cartouches, puisque le problème venait manifestement du canal conduisant le feu de l'amorce, j'ai démonté le bloc tombant et ai dévissé autant que je le pouvais la vis d'accès au canal (et qui sert normalement au nettoyage du bloc tombant). Suite à cela, les 6 cartouches suivantes ont détonné au premier coup : est-ce que la solution au problème était vraiment aussi simple ? Je confirmerai au prochain test.
Dans le pire des cas, l'usage systématique des amorces 6 ailettes est une solution. Le souci est que comme elles sont plus vives, elles mettent le feu plus fort à la poudre et le recul (perçu, du moins) est nettement plus viril.
Le nettoyage est assez long mais n'a rien de très compliqué : compter une bonne grosse heure, plus si on est maniaque (comme moi). C'est essentiellement le bloc tombant qui prend du temps (il y a plein de recoins à ne pas oublier), mais avec un nettoyant vapeur, ou un bac à ultrason, ça doit se faire bien plus rapidement.
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Bref, en résumé : ma première impression est très positive, et en tout cas bien meilleure que ce à quoi je m'attendais
Ça s'encrasse beaucoup moins que prévu, il y a bien des problèmes de faux départs mais qui me semblent assez faciles à corriger (réglage de la vis de nettoyage du bloc tombant / amorces 6 ailettes). Et clairement, la précision peut vraiment être au rendez-vous avec le bon chargement/la bonne ogive.
Les cartouches ne sont pas compliquées à faire, il faut juste la bonne méthode et il y a pléthore de vidéos sur Youtube montrant comment procéder.
Le seul vrai défaut, au final, c'est le temps nécessaire pour faire les cartouches et le nettoyage après la séance... A cause de ça, le Sharps n'est peut-être pas le fusil qu'on va sortir tous les dimanches. Mais je pense que pour un passionné par les armes de la Guerre de Sécession, et en particulier pour ces armes de transition un peu rares sur les pas de tir, ça vaut carrément le coup de se laisser tenter.
