Bonjour,
Ayant eu la chance de rencontrer un bon tourneur-ajusteur-tireur aux armes anciennes, j'ai pensé à lui demander de me faire un moule introuvable.
J'explique :
Mon fusil Mle 1853Tcar, (que j'avais présenté ici il y a un peu plus d'un an) tirait jusqu'à présent une balle à jupe qui ne me donnait pas satisfaction, malgré la grande gentillesse du fabricant. Trop faible en calibre, donnant des résultats aléatoires.
Un petit retour en arrière s'impose.
En fait, mon fusil a certainement été rayé en 1855, à l'occasion de la campagne de Crimée.
En effet, nous n'avions quasiment pas d'armes rayées, en dehors des carabines de chasseurs et du tout nouveau et rarissime fusil Mle 1854 de la Garde.
La preuve en est cette photo prise en Crimée en 1855 :
On a fait rayer quelques milliers de fusils, les plus récents étant les fusils 1853, en utilisant les seuls bancs de rayage existant en France mis en place pour les fusils Mle 1854 de la Garde. Or ces fusil 1854 ont une rayure à profondeur progressive, de 0,5 à la culasse à 0,2 à la bouche. On avait tracé pour ce fusil une balle à jupe (on ne disait pas Minié) très creuse afin de s'expanser convenablement et surtout pour être tirée avec une charge humainement acceptable, la balle modèle 1854.
La raison de cette mise en rayure 5 ans avant l'ensemble de nos fusils ?
Je ne la connais pas (encore) avec certitude.
Cependant, je pencherait assez fortement pour une question de prestige. Car en Crimée, nous combattions à côté de la British Army qui venait de recevoir l'excellent Enfield Rifle Pattern 1853, arme rayée de petit calibre, aussi précise qu'innovante.
L’Empereur ne pouvait pas laisser penser que les soldats français étaient mal équipés !
Donc ordre de rayer dare-dare le plus de fusils possible et d'expédier le tout en Crimée et plus vite que ça !
Et en plus, on avait soudé la hausse de la carabine, on obtenait une arme qui n'avait rien à voir avec les mêmes restés lisses.
A noter que les troupes hors de Crimée (Algérie puis Italie et Mexique) ont gardé leurs fusils lisses ...
Bref.
Pour en revenir à mon fusil, j'ai fini par comprendre que son canon possède une rayure progressive et que le mieux était de lui donner une balle de même profil que celle qu'il tirait à Malakoff. Et c'était forcément la balle modèle 1854, dite "balle de la Garde" :
J'ai donc donné le profil de cette balle à mon tourneur-fraiseur-tireur, après avoir précisé le calibre voulu.
Car en 1855, on tirait une balle de 17,2 mm dans des canons de 17,8, la balle étant enveloppée dans sa cartouche et chargée avec le papier faisant office de calepin.
Et j'ai reçu mon moule :
Du très beau travail, un bloc en laiton mis aux cotes des pinces DP-Lyman.
Comme on peut le voir, une balle très creuse. Elle pèse 35 g.
Le moule est accompagné d'une bague légèrement tronconique servant à la fois à graisser et à rectifier le diamètre de la balle. Ce n'est pas un recalibreur.
Voici le moule avec mon fusil 1853 Tcar :
A bientôt pour les CR de tirs.